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Inondations au Sénégal, les bassins de rétention représentent-ils une partie de la solution ?

A Dakar, au Sénégal, les inondations perturbent. Pape Goumba Lo, géologue, propose des solutions.
 

Les perturbations du cadre social dues aux inondations sont une grande source d'inquiétude dans la capitale sénégalaise. L’augmentation de la population dans les villes, les constructions urbaines non-planifiées et la concentration d’au moins 70% des activités dans la région en sont les causes. Que convient-il alors de faire ? Comment combiner aménagement et non-déménagement ? Comment éviter que les eaux de pluies ne détruisent les zones déjà habitées ? Cet article propose des tentatives de réponses extraites de l’émission de la radio du littoral consacrée aux inondations au Sénégal

Depuis plus de vingt ans, le Sénégal est confronté à des inondations à chaque saison des pluies comprise entre la fin du mois de mai et celle de septembre. Les populations souffrent le martyre pendant que les stratégies gouvernementales pour venir à bout ce fléau peinent à donner des résultats. Pour analyser la situation et proposer des solutions de sortie, l’émission radiophonique La Voix du Littoral a invité Pape Goumba Lô, professeur à l'Université de Dakar, géologue et environnementaliste. Les échanges se sont appesantis sur Dakar, une presqu’île souffrant d'une poussée urbaine au-delà des limites, puisque même des cuvettes accueillent baraquements et constructions en dur. Et au cours de l’émission, deux mots ont été redondants : déménagement et aménagement. 

La démarche consistera en premier lieu à voir les causes des inondations, pour être fidèle à la question de départ de l'animatrice de l’émission, la journaliste Marième Mbengue. M. Pape Goumba Lô expliquera scientifiquement qu'on a aménagé et urbanisé sans connaître les zones inondables et non habitables. À Dakar et sa banlieue surpeuplée, il y a des zones basses en termes de cuvettes comme Liberté VI, Castors, Maristes, Dalifort, Pikine, Diamniadio, et des zones hautes comme le Cap Manuel.

Evoquant l'histoire, M. Lô apprend aux auditeurs qu'il y a de cela des dizaines de milliers d'années, il existait des voies naturelles de passage d'eau, avant la culture de la sédentarisation, avec la construction des habitations et par conséquence, tout travail d'aménagement à Dakar devait tenir compte de cette réalité. Mais en ne voulant pas se plier à cette exigence, la zone de stockage appelée zone de captage, occupée aujourd'hui anarchiquement ainsi Les Maristes, identifiée comme lieu d'écoulement, sont parmi les causes des inondations du moment car ne jouant plus leurs rôles naturels. Compte tenu de la situation, le principe le plus simple consistera à déménager si l'on n'aménage pas. Mais est-il possible, malgré tout, d'aménager sans déménager ? demanda Mme Marième Mbengue. Oui, répond l'ingénieur ! Puisque dans des localités comme Thiaroye, la variation de la nappe qui n'est pas trop profonde, est respectée. L'une des solutions serait la construction de bassins de rétention d'un diamètre de 1 à 2 ha, et d'une hauteur de 4 voire 5. Cela est certes envisageable, mais ne saurait justifier cette tendance à copier tout ce qui se fait ailleurs. L'esprit d'innovation doit primer chez les ingénieurs sénégalais, prône M. Lô.

"Là où est construite la Cité Fayçal à Cambérène, on y organisait des courses hippiques. J'avais demandé à ce qu'il soit aménagé pour des activités futures de pêche", dira-t-il, puisqu'il s'y prêtait naturellement. Situé dans la zone des Niayes qui part de Dakar à Saint-Louis, lieu de prédilection des cultures horticoles, la prise en compte de cette demande aurait certainement aidé à éviter les cas d'inondations enregistrés ces dernières années. 

Les mauvaises politiques d'aménagement combinées à la poussée urbaniste ont créé une situation catastrophique sans oublier les effets des changements climatiques, fera remarquer l'animatrice de l'émission. Un argument à valeur de question à laquelle répondra l'environnementaliste : "On va connaître de plus en plus des pluies torrentielles. Il faudra donc avoir une politique de prévention ; et la prévention, c'est l'ensemble des méthodes d'organisation", confie-t-il.  

En 2022, Dakar a connu une situation inédite avec de très fortes inondations à la Cité des Almadies, un quartier huppé de la capitale :  l'aéroport de Dakar n’arrive plus à jouer  un rôle de stabilisateur, le sol basaltique des Mamelles composé d'argile et de sols des dunes de Cambérène, qui avaient tous deux la capacité d'absorber les eaux et, en conséquence, de maintenir la nappe sous le basalte, ont été viabilisés et construits. En allouant les terres de l'ancien aéroport principal de la capitale, tout cet écosystème a été perturbé. Ainsi les eaux, au lieu d'être absorbées, se déversent dans la mer qui, à son tour, inonde les habitations, expliquera clairement M. Lô.

Par ailleurs, à Sébikotane, à la sortie de Dakar, sur la route de Thiès, la nappe phréatique qui permettait la culture de fruits, est en train de baisser de niveau depuis l'aménagement de la ZAC de Mbao. 

Quelles peuvent être les conséquences de ces inondations sur les populations sur le long terme ? interroge la journaliste. Tout en reconnaissant ne pas être un spécialiste en santé, Pape Goumba Lô déclare savoir que les maladies hydriques en feront partie, à cause du mélange des ordures avec les eaux ; une crainte poussant le service d'hygiène à mobiliser beaucoup de fonds financiers pour une bonne politique sanitaire de prévention. Mais comment agir pour écarter le danger des contaminations ? A la question de Marième Mbengue, M. Lô mettra en avant dans sa réponse la possibilité technique de stockage des eaux. Selon lui : "Il ne sert à rien de pomper les eaux pour les envoyer dans un autre endroit pour ensuite les revoir revenir au point de départ. Il faudra donc les garder dans des bassins de stockage pouvant contenir des millions de litres". Dans cette optique, il est important de construire des murs résistants, avec une hauteur adéquate comme ce qu’envisage de faire le projet WACA. D’où l’expression, réaménager sans déménager.

La plupart du temps, explique l'environnementaliste, on ne tient pas compte de la nature du sol. En des endroits où le sol est argileux, les eaux s'écoulent. Seulement, les zones qui remplissaient la fonction naturelle de communication entre les nappes de Thiaroye et de Cambérène ont été détruites par la construction d'habitations. De même, poursuit-il, en période de remontée de la mer, les Niayes, zones intermédiaires entre l'océan et le continent, avaient la capacité de capter ces eaux. Sans oublier que les barrages ont aussi un impact sur le littoral fait remarquer M. Lô. 

Vu la complexité du problème, l'exécution du Projet WACA au Sénégal, "prendra en compte l'aménagement durable des zones côtières" et du coup, aidera à lutter contre les inondations, selon Pape Goumba Lô. Se félicitant du caractère régional du Programme, il déclare  :  "Nous les scientifiques, nous ne voyons pas les frontières". Par exemple, la langue de Barbarie localisée au Sénégal, "va jusqu'en Mauritanie".

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