Entretien avec M. Peter Kristensen, spécialiste principal en environnement et chef d’équipe pour le programme de gestion des zones côtières de l’Afrique de l’Ouest (WACA), Banque mondiale.

Question 1 : WACA est un ambitieux programme, tant par la nature des investissements que par la zone géographique ciblée ; pouvez-vous revenir brièvement sur la gestation du programme au sein de la Banque mondiale, ses objectifs et les résultats attendus.

C’est vrai que le défi de développement est immense quand on y pense, et nous avions besoin d’un programme ambitieux comme réponse. Dans certaines régions, 20 mètres de côte sont perdus chaque année, principa­lement autour de grandes infrastructures côtières, et nous savons que les effets peuvent s’étendre sur 50 kilomètres en aval ; ce qui signifie en Afrique de l’Ouest, des répercutions d’un pays à un autre. La gestion des sédiments et des solutions n’est pas simple.

La côte ouest-africaine subit le stress du développement effréné des infras­tructures côtières, de l’expansion des villes, de l’accroissement de la popula­tion et, dans de nombreux endroits, il y a une surexploitation des ressources naturelles. Le développement de l’Afrique est important et ne doit pas être ralenti. Mais nous constatons que la dégradation des côtes met en péril les moyens de subsistance des populations et de fait, les économies des pays sont également en danger. Selon une analyse de la Banque mondiale, la dé­gradation des côtes du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Togo a coûté 3,8 milliards de dollars en 2017, soit 5,3% du PIB combiné des quatre pays.

Le programme de gestion des zones côtières de l’Afrique de l’Ouest (WACA) avait été demandé par des pays comme le Bénin et le Togo au moment de la COP21. Il a été lancé en novembre 2018 pour atténuer les conséquences de l’érosion côtière, des inondations et de la pollution causées par l’activité humaine, l’élévation du niveau de la mer induite par le changement clima­tique et les ondes de tempête.

Il s’appuie sur les nombreuses initiatives existantes, notamment celles gé­rées par l’UEMOA et le CSE. Les efforts de création de l’Observatoire côtier ont été l’une des premières priorités car sans informations précises sur l’état du littoral, il est difficile de prendre des décisions. Par conséquent, nous sommes heureux que tant de partenaires se soient ralliés à l’Observatoire côtier de l’Afrique de l’Ouest. La vision du programme WACA est de créer un espace dynamique où les pays côtiers et les partenaires travailleront ensemble, partageront leurs connaissances, leur expertise et mobiliseront des fonds pour renforcer la résilience côtière à long terme qui soutient la prospérité et la durabilité. Le programme vise à atteindre ces objectifs dans un esprit de collaboration et de co-création, et son succès dépend de l’en­gagement et des contributions de tous les partenaires. Il s’appuie sur les institutions existantes et les engagements pris par les pays et les renforce.

Question 2 : Le programme WACA se déroule progressivement en Afrique de l’Ouest ; les attentes des pouvoirs publics et des populations pour la réduction des risques côtiers sont réelles. Qu’est ce qui préfigure la satisfaction de ces attentes et qu’est-ce qui vous semble indispensable à court et moyen termes pour y arriver ?

Je pense que l’une des choses essentielles à faire pour répondre aux at­tentes est d’engager le dialogue. Je comprends très bien que les attentes sont nombreuses et nous devons admettre que nous, à la Banque mon­diale, ne pouvons pas toutes les satisfaire car elles vont bien au-delà de nos capacités. Par exemple, ce sont les pays qui décident de la façon de gérer leur environnement. Ce sont les villes qui décident où les gens sont autori­sés à construire des maisons. Mais ce que nous pouvons faire, c’est soutenir les gouvernements et les responsables municipaux dans la création et le renforcement du dialogue autour des défis auxquels ils sont confrontés et mobiliser toute expertise technique si nécessaire. Des solutions peuvent être trouvées à court terme pour un site ou une ville en particulier et la Banque peut mobiliser des ressources à cet effet. Cependant, pour tous les problèmes à l’échelle du pays, il n’y a pas d’autre moyen pour les gouver­nements que de poursuivre leurs efforts de gestion durable des zones cô­tières, y compris les décisions sur les utilisations des terres autorisées dans les différentes zones et planifier à l’avance ce qui est va se passer. Un enga­gement à long terme est nécessaire pour gérer les zones côtières. Pensez à l’exemple du littoral de la Côte d’Ivoire où, en 1975, il y avait 1,1 million de personnes et en 2014, 7,5 millions. La pression est implacable. Cela signifie que l’aménagement du territoire dans les zones côtières doit et devrait se faire dans le but de préserver des moyens de subsistance durables et un espace pour les infrastructures nécessaires à la croissance économique.

Question 3 : Pour le moment, la BM fournit un financement spécifique à six (06) pays mais la côte atlantique de l’Afrique de l’Ouest compte dix-sept (17) pays. Quels sont les plans pour aider les autres pays, en particu­lier ceux qui sont déjà parties prenantes de la MOLOA ?

Le programme WACA comprend deux éléments: les projets spécifiques d’investissement dans la résilience dans chaque pays, et une plateforme régionale de mise à l’échelle pour soutenir l’expansion à l’intérieur des pays et pour ajouter de nouveaux pays. Je suis heureux de constater que, sous la direction des pays, une intensification est en cours, facilitée par le maket­place (marché financier) du programme WACA. De nouveaux partenaires dont entre autres l’Espagne, la France, ONU-Habitat, le Fonds de dévelop­pement nordique, l’OFID et le Maroc sont en train de s’engager avec les pays sur de nouveaux projets côtiers.

En termes de nouveaux pays, le Nigeria et le Ghana ont récemment deman­dé à faire partie du programme WACA, et le processus de planification mul­tisectorielle est sur le point de commencer. Il existe également des projets en cours dans d’autres pays qui servent à intégrer les étapes préparatoires pour faire partie du programme WACA, et les services offerts pour accéder aux solutions et à l’expertise, ou à de nouveaux financements provenant de potentiels partenaires qui souhaitent intensifier leur soutien aux pays sous l’égide de WACA.

Question 4 : Pour l’avenir, comment envisagez-vous un soutien durable du programme WACA à la résilience des populations et des économies côtières ?

Je pense que les pays doivent adopter trois concepts pour lesquels le pro­gramme WACA peut apporter un soutien.

Le premier concerne le développement durable de la zone côtière et est appelé l’économie bleue. Le terme fait référence au développement d’acti­vités économiques océaniques menées de manière intégrée et durable. Il cible les opportunités de synergies potentielles et la gestion des compro­mis entre les industries pour mieux faire face aux menaces croissantes aux­quelles sont actuellement confrontées les océans, et en particulier celles posées par le changement climatique.

Le second concerne la gestion de la pollution et la terrible habitude que le monde a prise avec les plastiques à usage unique. Je comprends que le plastique à usage unique n’est pas entièrement évitable, mais certaine­ment, beaucoup de déchets pourraient être réduits et l’intégrité de notre écosystème sauvée, si nous empêchons les fuites de plastique dans l’envi­ronnement. Des progrès ont été réalisés en utilisant une approche d’écono­mie circulaire par laquelle nous redéfinissons la façon dont nous utilisons nos ressources pour éviter la pollution, garder les produits et les matériaux en usage et régénérer les systèmes naturels.

Le troisième est la gestion des risques de catastrophe. Les catastrophes frappent le plus les pauvres et les plus vulnérables car elles n’ont pas les ressources nécessaires pour absorber les coûts sociaux et économiques qu’elles entraînent. Au cours des 15 dernières années, les pays ont fait des progrès dans la gestion des catastrophes, mais il est clair que davantage de travail préventif doit être effectué, des plans d’urgence doivent être en place pour protéger les personnes vulnérables et les enjeux économiques.

le Programme WACA et ses partenaires et mécanismes sont très désireux de sou­tenir les pays dans ces domaines. Avec les connaissances et les données de l’Observatoire côtier de l’Afrique de l’Ouest et le dialogue aux niveaux national et régional impliquant les décideurs, je suis convaincu que nous pouvons mobiliser les ressources nécessaires pour lutter contre l’érosion côtière, les inondations et la pollution en Afrique de l’Ouest.

Auteur: M. Peter Kristensen, spécialiste principal en environnement et chef d’équipe pour le programme de gestion des zones côtières de l’Afrique de l’Ouest (WACA), Banque mondiale.

Peter

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Type : Leçons pratiques

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