Blog | 2021-01-27
Comment soutenir une reprise verte, résiliente et inclusive sur le littoral ouest-africain ?
En Afrique de l'Ouest, l'érosion côtière pose des risques énormes.
Pour les habitants de Gbekon, au Bénin, les inondations du fleuve Mono sont monnaie courante depuis quelques années. La dégradation côtière et l’irrégularité des précipitations ont aggravé ces inondations. Chaque nouvelle crue entraîne la coupure de la seule route reliant les habitants aux fermes, aux emplois et aux services de santé publique et menace des milliers de personnes. En 2020, le Programme de gestion du littoral ouest-africain (WACA de son acronyme anglais) a construit des digues et établi d’autres outils pour contrôler les variations de débit du fleuve et prévenir les inondations permettant ainsi à 3 652 ménages d’être désormais moins exposés à l’érosion côtière et aux inondations.
Mais l’arrivée de la pandémie de COVID-19 est venue compliquer la logistique autour des efforts pour aider les habitants à s’adapter au changement climatique.
Soutenir la résilience côtière est indispensable au relèvement
Alors que la pandémie de COVID-19 continue d’avoir des conséquences dramatiques aux quatre coins de la planète, l’arrivée des nouveaux vaccins laisse entrevoir un espoir. Les implications économiques et en matière de pauvreté sont cependant considérables. Et le relèvement économique et l’emploi sont au cœur des priorités des décideurs. Dans ce contexte, les projets environnementaux résilients doivent-ils être remis à plus tard ? Nous pensons que pour l’Afrique de l’ouest la réponse est non.
Un message essentiel est ressorti du récent Sommet pour l’action climatique, au cours duquel les responsables du monde entier établissent des engagements clairs en vue de rendre notre planète plus résiliente : alors que les gouvernements investissent des milliers de milliards de dollars pour mettre sur pied des plans de reprise économique, le monde dispose d’une opportunité unique pour construire un avenir plus vert, plus résilient et plus inclusif.
Rappelons qu’en Afrique de l’Ouest, les zones côtières abritent un tiers de la population régionale et génèrent 56 % de son PIB. L’érosion côtière pose donc des risques énormes. La dégradation environnementale du littoral du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Togo coûte 3,8 milliards de dollars, soit 5,3 % du PIB des quatre pays en 2017. Au Nigeria, le coût de la dégradation côtière s’élève à 9,7 milliards de dollars, soit 8,1 % du PIB des États de Cross River, Delta et Lagos en 2018. L’Afrique de l’Ouest ne peut pas faire face à ces coûts tout en promouvant une reprise économique solide. Au-delà du coût économique, les inondations et la pollution de l’air et de l’eau causent 13 000 décès chaque année.
Des systèmes de préservation des écosystèmes côtiers bien conçus peuvent aider les communautés en leur apportant une reprise verte, résiliente et inclusive. Dans le cadre du Communiqué ministériel WACA, 18 pays se sont engagés à collaborer pour préserver les écosystèmes côtiers. La question est de savoir comment faire. Voici quatre suggestions en vue d’atteindre ces objectifs multiples.
Sélectionner soigneusement les investissements : les programmes de relèvement doivent être conçus en gardant à l’esprit les contraintes budgétaires importantes auxquelles font face les économies ouest-africaines. Habituellement, les programmes de relèvement après une crise consacrent de nombreuses ressources à la construction d’infrastructure de grande échelle, qui prennent du temps.
Mais la résilience côtière ne se limite pas aux infrastructures. On peut partir de solutions naturelles, comme la stabilisation des dunes, la restauration des mangroves, et des plages. Nous soutenons certaines de ces solutions car elles offrent un triple avantage : des solutions au coût faible, un appui plus durable à la biodiversité et aux ressources naturelles, ainsi que des bénéfices accrus pour d’autres secteur comme la pêche et le tourisme.
Les ressources limitées devraient être concentrées vers l’achèvement de projets en cours, l’entretien et la réparation d’infrastructure et la préparation de nouveaux projets qui seront mis en œuvre une fois que la reprise économique sera consolidée et que de nouvelles ressources seront disponibles.
Créer des emplois et des PME pour la résilience : les activités génératrices de revenus et la création d’emploi sont au cœur du programme WACA. Au Bénin, les activités génératrices de revenus ont été étendues aux communautés économiquement impactées par la pandémie. Au Sénégal, le Fonds Nordique de Développement a soutenu Radio du littoral pour ouvrir le dialogue social sur les impacts de la pandémie sur les pêcheurs et les communautés côtières, et comment atténuer ses impacts économiques.
La résilience côtière exige une attention permanente aux investissements d’infrastructure et à l’environnement, c’est la raison pour laquelle on peut parler d’emplois verts. Des programmes de restauration de la nature, de gestion des inondations et de modernisation des logements peuvent créer des PME et des emplois pour la résilience.
Le secteur privé est un partenaire de premier plan dans ses efforts. L’un des axes du programme WACA consiste à développer une série de partenariats public-privé dans les ports, les villages de tourisme, et la gestion des déchets qui créeront des milliers d’emplois, avec des retombées positives pour les entreprises dirigées par des femmes.
S’assurer que les investissements résilients soient inclusifs : le programme WACA contribue à réduire les inégalités exacerbées par la pandémie de COVID-19. En plus de leurs emplois et de leurs moyens de subsistance, les actifs des plus vulnérables sont exposés du fait de l’érosion côtière. Le programme WACA vise à garantir l’espace physique des ménages exposés aux inondations, à la pollution et à la dégradation côtière.
À Sao Tomé-et-Principe, le programme WACA a collaboré avec les populations vivant dans les zones les plus à risques, affectées par des tempêtes récurrentes qui emportent les maisons et coûtent des vies pour identifier des sites plus sûrs où ces populations accepteraient de s’installer. Le projet intervient dans sept communautés au sein desquelles 300 ménages recevront une aide à la relocalisation.
Établir de bons arrangements institutionnels : l’érosion côtière exige des infrastructures et des programmes d’entretien coûteux, une coordination entre ministères et entre pays, des solutions techniques complexes, et une expertise pointue difficile à acquérir isolément pour un pays. Elle requiert aussi un engagement de long terme, au-delà de la durée de vie d’un projet, d’un gouvernement ou d’un projet de développement.
Le programme ne se contente pas d’agréger les projets et engagements nationaux de neuf pays. Il les met aussi en relation avec un soutien politique intégré au niveau régional, un service d’assistance accélérant l’accès à des solutions et à une expertise internationale, un marché de financement pour catalyser l’investissement privé, ainsi qu’un réseau d’institutions régionales telles que l’Observatoire du littoral régional, et le Centre d’excellence africain en résilience côtière pour encourager l’atteinte d’un consensus et les économique d’échelle. À ce jour, 600 millions de dollars ont ainsi été mobilisés.
Le programme WACA au centre d’un relèvement résilient
Dans un contexte de contrainte budgétaire, les chocs aggravés – COVID-19, changement climatique, aléas naturels – peuvent grever les finances publiques et les revenus des ménages. Investir aujourd’hui dans le développement de la résilience sera bien moins coûteux que de faire face plus tard aux dégâts. L’analyse coût-bénéfice des investissements d’adaptation côtière à court et à moyen-terme suggère un retour sur investissement de 13 % et un ratio coûts-avantages de 1,9. Cela établit qu’investir dans la protection du littoral est un investissement judicieux pour un pays. Ces investissements peuvent aider à développer de nouvelles PME, plus modernes et durables, et « des emplois pour la résilience ».
Le président de la Banque mondiale, David Malpass a appelé à une reprise verte, résiliente et inclusive. Le programme WACA montre que cet objectif n’est pas hors d’atteinte.
Ede Ijjasz-Vasquez, Ancien directeur principal du pôle Développement social, urbain et rural, et résilience, Groupe de la Banque mondiale
Maria Sarraf, Responsable du pôle environnement, ressources naturelles et économie bleue pour l’Afrique de l’Ouest, à la Banque mondiale
Simeon Ehui, Regional Director for Sustainable Development for Africa